Depuis 2004, le 22 janvier, jour de la signature du traité de l’Élysée en 1963, est la « Journée franco-allemande ». Ce jour-là, ou dans ses environs immédiats, les écoles, collèges et lycées en France et en Allemagne organisent des débats, des rencontres franco-allemandes et des journées de découverte. L’OFAJ, les instituts français et les instituts Goethe, les associations de professeurs d’allemand et de français s’impliquent régulièrement dans l’organisation de ces journées qui peuvent prendre des formes très diverses. Il s’agit de faire connaître aux élèves les possibilités de tirer parti du vaste réseau de relations franco-allemandes pour des séjours linguistiques, culturels ou de loisirs, pour y poursuivre ses études, voire y travailler un jour. Il s’agit de donner l’envie de rencontrer des jeunes du pays voisin et peut-être même d’apprendre la langue de l’autre. Les familles sont souvent invitées, voire impliquées dans l’organisation de ces journées. Des thèmes sont parfois proposés dans les écoles, qui sont libres d’organiser le déroulement de ces journées et tirent souvent profit de partenariats locaux (visites d’entreprises, etc.). 

Ainsi, en 2023, pour le 60e anniversaire du traité de l’Élysée et dans le contexte de la guerre menée par la Russie en Ukraine, les élèves ont réfléchi à la question « France et Allemagne. Unies pour la paix / Deutschland und Frankreich – für den Frieden vereint ». Le ou la ministre française de l’Éducation et son alter ego le ou la plénipotentiaire pour les relations culturelles avec la France en profitent souvent pour faire le point sur l’enseignement de la langue du voisin et les enseignants de langue des deux pays pour présenter aux élèves les possibilités de séjours linguistiques et d’études chez le partenaire.

Il n’est pas sans intérêt de revenir à l’origine de la création de cette journée il y a plus de 20 ans. D’ordinaire, il n’est pas dans les usages de fêter avec faste un 40e anniversaire. Mais après avoir traversé une forte période de tensions au tout début du millénaire au sujet du poids respectif de la France et de l’Allemagne dans la nouvelle Europe en plein élargissement, Paris et Berlin ont orchestré leur « réconciliation » en grande pompe. Celle-ci avait été accélérée par leur refus commun d’intervenir militairement en Irak au côté des États-Unis. 

La célébration a été organisée symboliquement le 22 janvier 2003 au Château de Versailles, double lieu d’un traumatisme français et allemand (respectivement la proclamation du Reich allemand en 1871 et le traité de Versailles de 1919 dans la galerie des Glaces), pour mieux mettre en lumière la réconciliation après les blessures du passé. Alors que les gouvernements au grand complet et les députés, en tant que représentants du peuple, avaient été conviés à Versailles, l’Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ) avait été chargé d’organiser un « parlement franco-allemand des jeunes » à Berlin. Ces jeunes parlementaires ont émis une série de propositions dont deux d’entre elles ont été aussitôt reprises par le président Jacques Chirac et le chancelier Gerhard Schröder et bientôt mises en œuvre : la première a été la rédaction d’un manuel commun franco-allemand d’histoire de l’Europe et du Monde des origines au début du 21e siècle. Histoire/Geschichte a été conçue et rédigée par une équipe franco-allemande et ses trois volumes sont parus dans les deux langues en 2006, 2008 et 2011. Ouvrage souvent loué pour sa qualité historiographique et ses choix pédagogiques, ce manuel n’est malheureusement guère utilisé dans les lycées en dehors des classes Abibac et européennes ; la seconde proposition a été de faire du 22 janvier une Journée franco-allemande, mise en place dès l’année suivante. 

Décréter une Journée franco-allemande, c’est vouloir faire participer l’ensemble des sociétés et notamment la jeunesse au grand récit de la réconciliation et les impliquer dans l’échange et l’amitié bilatérale. Il s’agit aussi de sensibiliser les jeunes citoyens à leurs responsabilités pour l’avenir de cette relation. Si la Journée franco-allemande s’est véritablement institutionnalisée dans le système scolaire de part et d’autre du Rhin, elle irrigue beaucoup plus largement la société, comme en témoigne les demandes de financement de projets adressées au Fonds citoyen franco-allemand émanant d’associations diverses, de comités de jumelages et de personnes engagées, ces initiatives sociétales sont innombrables et diverses. Elles reflètent à la fois la densité et la vivacité du tissu franco-allemand, mais aussi parfois, certaines inquiétudes des citoyens des deux pays face à la situation internationale et à l’avenir des relations franco-allemandes et de l’Europe.